En mai 2017, Marvel lance son ultime événement influençant toute sa ligne éditoriale. Celui-ci met en scène un monde dirigé par l’Hydra.
Après l’événement à succès Secret Wars par Jonathan Hickman, Marvel voit le départ de Rick Remender, alors en charge des aventures de Captain America. La Maison des Idées demande alors à Nick Spencer de prendre la suite. C’est le point de départ d’aventures davantage politiques pour Steve Rogers et Sam Wilson, son successeur.
Attention, cet article contiendra des spoilers sur les événements de l’univers Marvel depuis la fin de Secret Wars.
Sam Wilson, un Captain America politique
Avant Secret Wars, Steve Rogers a perdu ses capacités surhumaines et s’est retrouvé vieilli. Il a alors confié son titre, ainsi que son bouclier, au Faucon, Sam Wilson. Il se retrouve alors en charge de la même mission que son prédécesseur, être le héros qui représente l’idéal américain.
Dès les premiers numéros des aventures de Sam Wilson par Spencer, on découvre un personnage détesté par une partie de la population américaine, en conflit avec Steve Rogers, et le SHIELD ne semble plus lui faire confiance. Les raisons ? Il y en a plusieurs. Tout d’abord, le super-héros a pris des positions sur des problématiques sociales et politiques, ce qui a créé des divergences dans la population. De plus, un hacker – le Chuchoteur (Whisperer en anglais) – a révélé certains projets du SHIELD, dont un impliquant la réécriture de la réalité en utilisant un cube cosmique, le projet Kobik.
Au cours des mois qui suivent, Sam Wilson se retrouve confronté à différents ennemis, dans des situations où il sauve majoritairement des membres de minorités. Ainsi, dès sa première aventure, sauve-t-il un jeune latino, Joaquin Torres, qui obtient des pouvoirs liés aux oiseaux, et qui devient le nouveau Faucon.
Au bout d’une vingtaine de numéros, et suite à différentes mésaventures – des confrontations sur-médiatisées (et politisées par ses opposants), des campagnes demandant à ce qu’il rende le bouclier et, surtout, son échec à sauver un politicien lors d’une prise d’otage – Sam Wilson abandonne le rôle de Captain America et redevient Faucon, juste avant le début de Secret Empire. L’ancien ami de Steve Rogers aura certainement un rôle à jouer dans cet événement.
Pleasant Hill : Steve Rogers est de retour
Début 2016, pour fêter les 75 ans d’existence de Captain America, Marvel met en place un événement impliquant le SHIELD et les équipes dont font partie les Captain America. Il s’agit de Stand-Off : Assaut sur Pleasant Hill.
Dans cette histoire, Sam Wilson, Steve Rogers et Bucky Barnes se retrouvent dans la ville de Pleasant Hill qui se trouve être, en réalité, une prison du SHIELD. Les prisonniers sont transformés, grâce à un cube cosmique ayant pris la forme d’une petite fille de 4 ans, en citoyens modèles. Malheureusement, certains des super-vilains enfermés retrouvent la mémoire et leur apparence et se révoltent.
Au cours de cette révolte, Steve Rogers est battu presque à mort par Crossbones, un des fidèles de Crâne Rouge (chef de l’Hydra) et ennemi de longue date de Captain America, mais Kobik, le cube cosmique, aide Captain America en lui rendant sa jeunesse. L’aventure se termine avec la fermeture de Pleasant Hill, Maria Hill – alors directrice du SHIELD et responsable du projet – en disgrâce, et Bucky qui monte une équipe composée d’anciens prisonniers et de Kobik, les Thunderbolts. On découvre également que Crâne Rouge est impliqué dans cette aventure, même s’il est resté dans l’ombre pendant tout son déroulement. Bien entendu, le retour de Steve Rogers en tant que Captain America va mener à des complications pour les différents acteurs de cet événement.
Steve Rogers : agent de l’Hydra
Dès le premier numéro de Captain America : Steve Rogers, les esprits s’échauffent. En effet, quelques jours avant la sortie, on entend dire que la fin de ce comics sera inattendue et choquante. Les théories plus ou moins farfelues sont avancées, et les campagnes sur les réseaux sociaux pour « Donner un petit ami à Steve » ou autre se multiplient.
Au final, la révélation est la suivante : Steve Rogers est un agent infiltré de l’Hydra depuis sa jeunesse. Bien évidemment, les esprits s’échauffent et l’auteur, Nick Spencer, est sous le feu des projecteurs. On lui fait des procès d’intention, les gens l’accusent de faire le jeu des fascistes, etc…
Dès le second numéro, on découvre la raison de cette révélation. Depuis sa création, Kobik est influencée par Crâne Rouge, qui l’éduque pour qu’elle serve ses intérêts. Le cube cosmique, ayant la mentalité d’une enfant de 4 ans, utilise alors ses pouvoirs pour influencer l’esprit d’Erik Selvig, un scientifique du SHIELD, et lui fait croire qu’il a toujours servi l’Hydra. On comprend alors que, lors de sa rencontre avec Kobik à Pleasant Hill, Steve Rogers n’a pas seulement été rajeuni, mais son esprit et son histoire ont changé.
La suite de l’histoire nous montre les deux facettes de Steve Rogers. D’un côté, le Captain America que l’on connaît, un héros, et de l’autre, ses véritables intentions pour que l’Hydra domine le monde. Dans le même temps, des flash-backs, principalement en noir et blanc, nous racontent la nouvelle histoire de Steve Rogers, telle que réécrite par Kobik. On y découvre ainsi un nouveau personnage, Elisa Sinclair, qui sert de mentor au jeune Steve, et qui finit par apparaître dans le présent.
Civil War II : l’événement préparatoire
L’événement éditorial de l’année 2016 est écrit par Brian Michael Bendis, et semble – à première vue – ne pas avoir d’impact sur Captain America. En effet, l’histoire met en opposition Iron Man et Captain Marvel sur le concept de la justice prédictive. A priori, Steve Rogers n’est pas impliqué dedans. Mais, en lisant le comics dédié au personnage, on se rend compte qu’il en est tout à fait autrement.
En effet, Ulysse – un nouvel Inhumain capable de lire l’avenir – risque de mettre en danger le plan de Captain America. On découvre donc différents plans pour neutraliser cette « menace » de la part du héros à la bannière étoilée.
Au cours d’un des affrontements de cette guerre civile des super-héros, Ulysse montre à la majorité des héros un événement à venir : Miles Morales, le nouveau Spider-Man, va tuer Captain America. Cette révélation est le point d’orgue de la série, car les héros doivent désormais décider si Miles doit être arrêté ou pas.
À la fin de la série, Tony Stark est plongé dans un coma. On a alors une conclusion rédigée par Nick Spencer, où Captain America parle à un Tony Stark inconscient. Ce comics est un miroir à la fin de la première série Civil War, où les rôles sont inversés. Les confessions de Steve dévoilent que la vision le concernant ne se réaliserait qu’après que l’Hydra se soit mise à gouverner, annonçant ainsi le début de Secret Empire.
#TakeBackTheShield : Steve Rogers agit dans l’ombre
Dans son propre titre, Steve Rogers se voit confier la direction du SHIELD après le procès de Maria Hill (à cause de la débâcle de Pleasant Hill). Au départ, les membres du conseil de sécurité mondial - qui ont renvoyé Hill - tentent de confier les rênes du SHIELD à Sharon Carter, la petite amie de Steve. Cependant, celle-ci refuse le poste et propose de nommer Captain America à sa place, puisqu’il est considéré comme l’homme le plus intègre du pays. Dans l’ombre, par contre, le super-héros tente de rallier son ancien ennemi, le Baron Zemo, à sa cause. Dans le même temps, dans Captain America : Sam Wilson, on découvre que certaines décisions allant à l’encontre du héros du titre sont influencées, voire initiées, par son ancien mentor.
Ainsi, on apprend que US Agent – qui avait porté le costume du héros patriote – tente de reprendre le bouclier à Sam, sous les ordres de Steve Rogers. On voit ensuite qu’une cabale menée par un sénateur, le PDG d’une grande entreprise et un présentateur de talk-show a pour but de pousser Sam Wilson à bout. Steve Rogers sacrifie le sénateur, tout en faisant en sorte que son successeur pense en être responsable, puis se débarrasse du PDG. Sous la pression et sous le choc, Sam Wilson abandonne le bouclier et son rôle de Captain America. Il redevient le Faucon, juste avant les événements de Secret Empire.
Le reste de l’univers
En plus des 2 titres écrits par Nick Spencer, plusieurs comics Marvel ont été impliqués dans l’avancement de l’histoire. Le premier à utiliser ces indices est Gerry Dugan au sein des deux séries qu’il écrit. Ainsi, dans Deadpool, certains personnages – notamment Phil Coulson – découvrent que quelque chose cloche chez Captain America. Dans Uncanny Avengers, l’équipe se retrouve confrontée à Crâne Rouge et finit par le battre. À la fin de cette histoire, l’équipe retire le cerveau de Charles Xavier (Professeur X des X-Men, puissant télépathe, et mort lors de Avengers vs X-Men) qui était greffé à celui de Crâne Rouge depuis un moment. Steve Rogers récupère alors l’ancien leader nazi, et essaie de prendre possession du cerveau de Xavier, mais Malicia le détruit.
La série la plus touchée par la préparation à Secret Empire est Thunderbolts, écrite par Jim Zub. Le comics met en scène l’équipe de super-vilains dirigée par Bucky Barnes. Parmi les membres de l’équipe, on retrouve surtout Kobik, le cube cosmique qui a rendu sa jeunesse et modifié la réalité de Steve Rogers.
Au cours de l’histoire, Kobik révèle à Bucky la nouvelle vérité sur Captain America, et Zemo décide de prendre sa revanche, appréciant la nouvelle vision du monde de son ancien ennemi.
Dan Slott prépare également le terrain pour l’inclusion de Spider-Man dans l’histoire. En effet, lors du numéro 25 d’Amazing Spider-Man, il dévoile une courte histoire où Docteur Octopus rencontre des membres de l’Hydra et s’allie à eux, devenant le Superior Octopus. On peut s’attendre à ce que Spider-Man l’affronte lors des tie-ins de Secret Empire, surtout que le super-vilain fait partie des Avengers de l’Hydra.
Lancement de l’événement
Secret Empire a démarré dans un numéro 0 décrivant l’offensive de l’Hydra, et comment Captain America a réussi à se débarrasser d’une majorité de l’opposition. Il a ainsi séparé les héros en plusieurs factions, bloquant certains dans l’espace, et d’autres dans une bulle à New York. Les flash-backs révèlent que Captain America veut rétablir sa réalité où Hydra a gagné la guerre, et où les États-Unis ont changé l’histoire en utilisant un cube cosmique.
Chronologiquement, la suite se trouve dans le comics offert pendant le Free Comic Book Day. Les héros découvrent la vérité sur Steve Rogers et tentent de le stopper. Bien entendu, ce comics se finit sur de nombreuses questions et sur un événement qui ne laisse rien présager de bon.
Ensuite, vient l’événement en lui-même. Hydra dirige les États-Unis depuis plusieurs mois, Steve Rogers dirigeant les opérations. On découvre alors la résistance qui s’organise, menée par Hawkeye et Black Widow entre autres, ainsi qu’une intelligence artificielle copiant Tony Stark. Les jeunes héros ne sont pas en reste, car ils ont un rôle à jouer dans cette aventure. Marvel veut montrer que les nouveaux héros sont aussi compétents que les anciens et qu’ils ont leur place dans son univers.
Marvel utilise déjà l’idée ailleurs
Attention, cette partie contient des spoilers sur la saison 4 d’Agents of SHIELD
Depuis plusieurs années, Marvel n’hésite pas à utiliser des idées de comics dans les autres médias, parfois en parallèle de la sortie des comics. Ainsi, en 2015, Dan Slott écrit Spider-Verse, mettant en scène des Spider-Man de diverses dimensions et, en parallèle, sort un jeu vidéo (Spider-Man Unlimited) utilisant les diverses itérations du Tisseur et le dessin animé Ultimate Spider-Man dévoile sa propre version de l’événement.
Dans le cas de Secret Empire, on en est proche. En effet, la 4ème saison d’Agents of SHIELD met en scène un monde parallèle dirigé par l’Hydra. Dans cet univers, les personnages que l’on connaissait bien voient leurs vies réécrites. Ainsi, Phil Coulson ne choisit pas une carrière au SHIELD mais devient professeur. Mais, surtout, Leo Fitz (joué par Iain de Caestecker) devient le second de Madame Hydra, titre que s’est attribué AIDA, l’intelligence artificielle qui a piégé les héros dans ce monde alternatif. Le parallèle entre cette situation et le comics où Steve Rogers, l’homme au cœur pur, est utilisé par Madame Hydra est saisissant. La réaction à cet arc narratif est très positive, que ce soit de la part du public ou de la critique. Il en va d’ailleurs de même pour le début du comics, qui semble tenir ses engagements.
Dans le même temps, Marvel utilise les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) pour communiquer avec les fans. Ainsi, en contactant Spider-Man, on apprend des informations sur l’événement, tout en jouant à des jeux.
Un événement influent sur la vie réelle
Avant d’être auteur de comics, Nick Spencer a fait de la politique, travaillant notamment pour un membre du parti démocrate américain. Et l’influence de sa vision politique se sent dans ce comics. En mettant Captain America, le symbole des Etats-Unis, au centre d’une histoire mêlant montée au pouvoir et fascisme, il n’est pas difficile de voir l’influence de la campagne présidentielle de Donald Trump dans la narration.
Bien entendu, la mise en place d’une telle histoire n’a pas plu à tout le monde. Les personnes les plus fâchées par cette histoire ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas les supporters de Trump – qui y voient une légitimité de leur candidat alors que Steve Rogers est clairement le méchant de l’histoire – mais plutôt les gens ayant des vues politiques proches du parti démocrate. Leur raison principale ? Nick Spencer déforme l’œuvre de 2 auteurs juifs (Jack Kirby et Joe Simon) pour en faire un emblème nazi.
Cet emportement des fans ne s’est d’ailleurs pas arrêté à l’histoire racontée (dont on n’a encore qu’une partie). Certains sont allés jusqu’à s’offusquer de la publication de certaines couvertures variantes, dont une représentant Magneto en membre de l’Hydra - dans le cadre d’une collection mettant en scène les majeurs vilains Marvel dans cette situation. Beaucoup ont alors cru que le personnage (un survivant de la Shoah) serait un membre de l’Hydra dans l’histoire, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Quelle que soit la fin de cette histoire, il est évident qu’elle aura une influence sur la perception politique de l’événement et de son auteur.
L’influence sur les comics
Au niveau du futur des comics Marvel, il est évident qu’un tel changement dès le début de cet événement va changer la vie de bon nombre de super-héros. Il reste désormais à déterminer lesquels, et dans quelle mesure. De plus, sachant qu’un cube cosmique est à l’œuvre, tout est possible et imaginable.
Quoi qu’il en soit, on sait que cet événement découlera sur un changement de statu quo, nommé Marvel Legacy (Héritage), et mettra en scène les héros de la première heure ainsi que les héros plus récents, même s’ils ont le même nom.
D’un point de vue personnel, je trouve l’histoire que Nick Spencer a écrite très intéressante. Alors qu’il nous avait habitué à des récits plus légers et humoristiques dans les pages de Superior Foes of Spider-Man et Ant-Man, on découvre désormais un point de vue plus sérieux. Le parcours et l’évolution des deux Captain America permet également de découvrir une nouvelle vision de la politique américaine.
Le début de Secret Empire est également très intéressant d’un point de vue narratif, car l’histoire principale démarre après la victoire des méchants, et les informations sur le reste arrivent progressivement.
Secret Empire est un événement qui annonce un nouvel âge pour la ligne éditoriale Marvel et promettant plusieurs changements dans les comics à venir.