En 2013, la diffusion de la première saison de House of Cards a bouleversé le monde des séries télévisées. Quatre années plus tard, la situation a évolué.
Tout a été dit au sujet de House of Cards, la série qui a popularisé Netflix dans le monde. De sa conception (combinaison d'un réalisateur, d'un acteur et d'un genre populaire parmi les adeptes du service de streaming) à son succès foudroyant, ce show politique a fasciné le public et les médias. Netflix rend disponible aujourd'hui la 5ème saison. Logiquement, nous n'avons qu'à savourer cette nouvelle fournée d'épisodes. Cependant, une idée me tracasse: et si House of Cards n'était qu'une belle comète dans le paysage télévisuel ?
Le choc initial
La première saison proposée par Beau Willimon est magistrale. L'efficacité du scénario, le saisissant jeu de Kevin Spacey, l’envoûtante réalisation de David Fincher et son équipe.... C'est un bijou télévisuel. Les bonnes idées s'accumulent au fil des épisodes. Associées au type de diffusion, unique pour l'époque, cela offre peu de répit au spectateur qui enchaîne les épisodes en un très court laps de temps. House of Cards est une claque visuelle qui laisse rapidement le public orphelin car il doit attendre une longue année pour retrouver cet anti-héros à l'ambition dévorante.
La saison suivante est à la hauteur des espoirs placées en elle. On retrouve avec plaisir ces personnages, cette ambiance, ce puissant récit qui ne s'interdit rien. Jusqu'où ira la soif de pouvoir de Frank Underwood ? Tous ceux qui s'opposent à lui comprendront bien trop tard qu'ils ne sont pas de taille à l'affronter. Cette irrésistible ascension porte le héros jusqu'à son objectif suprême. Désormais, le plus dur commence, aussi bien pour l'homme politique que pour les artistes qui façonnent sa destinée.
De la difficulté de confirmer
Je reviens à mon idée: et si House of Cards était plus une explosion artistique qu'un nouveau standard du genre ? En effet, c'est sur la durée que les grandes séries se révèlent cultes. Par exemple, après 6 saisons, Game of Thrones est encore en progression. Le problème pour moi avec House of Cards, c'est le cap pris dans les saisons 3 et 4, celles où le héros affronte les difficultés du pouvoir. Face à l'adversité, alors qu'il doit se réinventer, le show semble s'affaisser et frapper dans le vide. Symbole de cette incapacité à franchir un pallier, le casting qui entoure Frank, qui lui apportait tant de force, fait désormais défaut.
Claire, c'était la Lune, cette présence qui ne brille pas autant que le Soleil – aka Frank - mais représente un attrait tout aussi puissant, dans un genre diamétralement opposé. On la place sur la route de la rébellion, une sorte d'Hillary qui veut sortir de l'ombre de son mari. Elle tente bien de rester digne, mais son arc narratif n'apporte rien de concret, si ce n'est des problèmes à Frank. Elle n'est plus qu'un poids mort. Quant à Doug, l'autre ombre damnée du héros, il perd une saison à récupérer de son agression, tout cela à cause d'une obsession liée à une piste narrative qui aurait dû être abandonnée depuis longtemps. Ensuite, il revient péniblement auprès de son maître, mais sans son aura qui le rendait si impressionnant.
Meechum n'est plus qu'un baby-sitter après quelques scènes initiales intéressantes, Remy disparaît progressivement (on ne sait même plus ce qu'il fait), Seth n'arrive pas à la cheville de Doug, Jacqueline n'a pas le droit à l'audace accordée à d'autres personnages.... Il y a bien Heather Dunbar qui prend le relais en tant qu'adversaire principal, mais le personne n'affronte plus directement Frank. Les scènes où les personnages s'observent avant de porter des coups, c'est la force de cette série où la politique est dépeinte d'une manière froide et violente. Dunbar et Frank ne sont jamais ensemble, comme si le héros devait se retrouver isolé du reste du monde, effet indésirable de son poste.
Se réinventer pour ne pas gâcher
La série n'est pas capable de remplacer convenablement les personnages écartés par la montée en puissance de Frank. Désormais, son entourage le ralenti ou ne l'aide plus à progresser. Certains me diront que cette médiocrité ambiante est volontaire. Après nous avoir raconté le succès de Frank Underwood, les auteurs veulent mettre en scène ses difficultés. C'est une autre vision de la politique, celle des échecs retentissants, où l'on lutte pour avancer.
Cependant, cette approche va à l'encontre de la principale force de la série à ses débuts. En effet, ce qui a tant impressionné le spectateur, c'est cette sensation que tout était absolument maîtrisé, que le moindre détail soit une pièce importante d'une machine complexe. Réalisation, scénario, acteurs, c'était un déroulement implacable associé au destin d'Underwood. Les saisons 3 et 4 semblent plus brouillonnes. Il y a bien en toile de fond l’élection qui est amenée à prendre de plus en plus d'importance, mais on navigue à vue avec des problèmes qui semblent quelconques. . La sensation d'observer une série différente des autres disparaît, c'est la fin de l'état de grâce, le début de la routine.
Dès lors, malgré l'amour que l'on porte à House of Cards, on se désintéresse petit à petit. On perd le fil du scénario, on est moins vigilant au sort des personnages secondaires, on s'emballe moins face aux retournements de situation... La routine, c'est la pire chose qui puisse arriver à une série télévisée. Le souffle initial n'a jamais connu de relais. Ni l'apparition d'un nouveau personnage charismatique qui pourrait s'opposer à Frank, ni la transformation d'un personnage connu (ici Claire, ce qui ne marche pas), ni l'évolution de l'environnement ne viennent bouleverser l'histoire.
On s'enfonce, non pas dans la médiocrité, la série restant de qualité, mais dans l’indifférence générale. House of Cards n'est plus la vedette, mais il faut bien offrir à son public une fin digne de ses débuts. Quitte à ce que cela se fasse dans la douleur.
Une pub pour une marque automobile symbolise parfaitement ce qu'est devenu Frank Underwood : une icône. On se souviendra pendant très longtemps de ce personnage, mais pas forcément des ses péripéties. La saison 5 doit donc remonter la pente avant qu'il ne soit trop tard.