Pop Fixion

Video Girl Ai : consolation numérique

Qui ne souhaiterait pas se faire consoler par une bombe sexuelle, tendre attentionnée, douce ?  Mais parfois, ça déraille.

Video Girl Ai (Den’ei Shôjo, Video Girl) est un manga en 15 volumes créé par Masakazu Katsura (Zetman; DNA²) qui est paru au Japon entre 1990 et 1993 dans le Weekly Shônen Jump. Il est sorti pour la première fois en France chez Tonkam entre 1994 et 1997. Si c’est un manga de type shônen, beaucoup de filles se sont passionnées pour l’histoire maudite de Yota et d’Aï, la belle consolatrice.

L’amour fait toujours un bon départ d’histoire

Yota Moteuchi est un jeune homme timide qui se consume d’amour pour la belle Moemi qui, elle, n’a d’yeux que pour le beau Takeshi, le meilleur ami de Yota et chanteur dans un groupe de rock. Déprimé, le jeune homme entre un jour dans un mystérieux vidéo club nommé le Gokuraku (paradis) et loue une étrange vidéo contenant, semble-t-il, l’enregistrement de mots d’une jeune fille sensée le consoler de son amour malheureux.

Une fois rentré chez lui, il met la cassette dans le magnétoscope (on est dans les années 90, je vous rappelle, on est encore à l’époque des dinosaures) et voit apparaître à l’écran la douce jeune fille de la jaquette.

Elle lui adresse de doux mots et lui demande s’il veut qu’elle vienne le consoler. Perplexe, Yota acquiesce malgré lui. Et s’opère alors une étrange magie : la jeune fille commence à sortir de l’écran. Mais il s’avère que le matin même, Yota avait fait tomber le magnétoscope qui, du coup, était un peu détraqué. La jeune fille semble souffrir énormément et s’évanouit sur le sol, bien réelle. À son réveil, elle est très différente de ce qu’elle était juste avant : garçon manqué, un brin vulgaire et très violente, elle se plaint d’avoir perdu quelques tailles de poitrine.

Un triangle amoureux devenu carré

C’est avec ce début d’histoire fantastique que va s’enchaîner un chassé croisé amoureux entre nos différents protagonistes. Nous voilà avec quatre personnages qui se croisent, se rapprochent, se cherchent et se perdent. Yota ne sait qui choisir entre Moemi et Aï. Moemi ne sait plus qui  choisir entre Yota et Takeshi. Aï se voit tiraillée entre son rôle de consolatrice de Vidéo Girl et les sentiments engendrés par son dysfonctionnement qui l’a rendue presqu’humaine. Et Takeshi, lui, ne sait que faire pour tenter de secouer son ami.

On se retrouve dans une histoire un peu digne de Santa Barbara (les vieux comprendront) mais en même temps c’est tellement intense et haletant qu’on a envie de continuer à suivre les déboires et doutes amoureux de ce pauvre Yota qui s’en prend vraiment plein dans les gencives. Une chose est sûre en tout cas, le jeune garçon innocent va devoir grandir et mûrir pour faire face à tout cela.

Quand le fantastique se mêle au réalisme

Ce que j’apprécie dans ce manga, c’est que le fantastique se mêle délicatement à la réalité des histoires d’amour qui se déroulent devant nos yeux. En effet, on est curieux de savoir ce que peut bien être ce fameux et mystérieux Gokuraku qui console les coeurs brisés. Mais cette énigme est présente sans l’être.

L’histoire ne part pas en vrille comme certains pourraient le faire pour donner une touche de frisson à l’ensemble et l’auteur continue sans coup férir sur sa lancée. Certes, il faut bien qu’Aï se retrouve en portafaux, car elle est finalement une aberration face à ses autres congénères programmées pour consoler mais n’éprouver aucun sentiment.

Donc cette touche assez discrète apporte un soupçon de “magie” qui permet de rendre le pitch plus palpitant et de donner cette dimension plus tragique à l’histoire. Vous savez, ne pas être du même monde, ne pas avoir le droit de s’aimer, une touche de Roméo et Juliette, quoi. Et puis, à quoi peut bien servir le Gokuraku en fin de compte ?

Des personnages à la fois attachants… et énervants

Notre ami Yota est très timide et réservé, il a une réputation de garçon qui ne plaît pas et son nom, qui a deux lectures possibles, ne l’aide pas. En effet, Moteuchi peut aussi se lire Motenai qui veut dire “ne pas avoir de succès, ne pas plaire” en japonais. Vous voyez un peu le tableau. Il a pourtant un bon fond. Mais je dois avouer que je secouerais volontiers Yota de temps en temps comme un prunier tant il est indécis et mou du genou. Il ne sait plus quoi faire, se fourvoie, se laisse détourner de ses objectifs. Mais en même temps, il a l’immaturité de l’adolescence avec ses hormones en ébullition qui commandent encore un peu ses instincts. On va donc suivre toute son évolution psychologique et assister à la naissance d’un homme.

Moemi est la fille des rêves de Yota et il l’idolâtre. Personnellement, elle me tape sur le système dans sa mignonitude exacerbée et son indécision chronique, un coup c’est oui, un coup c'est non, et puis elle se donne et puis elle se refuse. Et son caractère parfois niais me la rend insupportable, mais bon c’est assez représentatif de la fille dite “parfaite” au Japon.

Aï est beaucoup plus attachante dans son imperfection. Certes, elle est pénible à lutter contre ce qu’elle ressent, mais elle au moins a une raison valable : elle n’a pas le droit de s’attacher à un humain. Le seul fait qu’elle ait un penchant pour Yota la rend hors la loi.

Et Takeshi, eh bien, en fait il y a peu de choses à dire sur lui il a son rôle de beau gosse et de meilleur ami à jouer. Il est aussi l’antagoniste qui aiguillonne notre héros et tente de le faire réagir.

Des dessins à se damner

S’il y a une chose que je reconnais bien à Masakazu Katsura, c’est que depuis le premier volume de son manga Zetman, son trait s’est drôlement affirmé et affiné. On est passé d’un style relativement simple à quelque chose de plus fouillé tout en étant épuré. Les premiers volumes étaient plutôt sympa question dessin, je ne dis pas, mais plus on avance dans l’histoire, plus on voit le coup de crayon se modifier et se sublimer. Je tombe à chaque fois en pâmoison devant ses personnages qui sont absolument superbes, détaillés et parfois même criants de réalisme. C’est un plaisir visuel certain.

Les traits du visage sont fins et élancés, les corps très détaillés. Nous avons droit à des images de couverture absolument sublimes qui mériteraient d’être encadrées et accrochées au mur, tellement elles sont belles.

Cette évolution de dessin sert aussi à la trame de l’histoire à mon avis. Si c’est un peu enfantin au début, comme le sont finalement nos protagonistes, il prend de l’ampleur et de la maturité en même temps que nos héros se mettent à grandir et évoluer dans leur tête. C’est très notable pour Yota, vous verrez le vilain canard se transformer peu à peu en un homme.

N’oublions pas que c’est un shônen

Oui, ce manga est une histoire d’amour où on n’a pas le droit à des combats échevelés, on n’est pas du tout dans le style nekketsu genre Dragon Ball ou One Piece. Mais on est quand même dans un manga destiné à des ados d’environ 15 ans. Et il y a toujours une tendance à rendre les filles sexy et à montrer un petit détail qui personnellement me tape royalement sur les nerfs : les petites culottes.  

Je m‘explique : qui dit shônen, dit quelques détails qui me chagrinent dans les dessins des personnages féminins. Vues de culottes, de formes évocatrices entre les jambes, jeunes femmes qui se montrent souvent nues ou très légèrement vêtues et scènes suggestives sont légion (Même dans les nekketsu de maintenant, on trouve des détails de ce genre, par exemple les formes plus que généreuses de Nami et ses congénères féminines dans One Piece). Ça on n’y échappe pas, mais bon j’ai signé en toute connaissance de cause, je savais que j’y aurais droit en ouvrant les pages de ce manga.

Dérivés quand vous nous tenez

Et ça n’a pas loupé, il y a eu une adaptation en OAV de 6 épisodes qui abordent assez rapidement l’histoire et la concluent assez tôt par rapport au manga. Mais il est impossible de traiter correctement le sujet en aussi peu de temps. Il est cependant bien agréable à voir même s’il a moins cette dimension tragique que l’oeuvre originale.

Un manga en deux volumes, suite indépendante intitulée Vidéo Girl Len est également sorti. C’est en gros la même histoire qu’avec Yota mais en plus condensé et l’héroïne, Len, est un peu plus gamine et énervante qu’Aï. Vous vous en douterez, j’avoue qu’il ne m’a pas trop plu car trop condensé et copier-coller de ce que nous avions déjà expérimenté pendant 15 volumes avant ça.

Il y a également eu un film live qui est sorti en 1991 avec une actrice peu connue, que ce soit au Japon ou en France, dans le rôle d’Aï. Ne l’ayant pas vu, je ne peux vous dire ce qu’il donne.  

Video Girl Aï est l’un des premiers mangas à avoir été publiés sur le sol français. On a pu y découvrir un autre registre que celui de Dragon Ball ou encore de Sailor Moon. C’est une oeuvre que je vous conseille de lire.

Aucun commentaire

Sur le même thême

Pop Fixion

A propos de Pop Fixion

Pop Fixion est un magazine proposant des articles sur la Pop Culture et ses médias : comics, mangas, BD, jeux vidéo, films, animation, séries tv et romans.

Informations complémentaires

Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent conformément à l'article 34 de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978. Vous pouvez à tout moment demander que vos contributions à ce site soient supprimées.